mardi 28 août 2012

Amazingreen - Comme des garçons

Photo Comme des garçons
CDG continue sa quête des merveilles.
Après  888 tout d’or liquidescent, et Wonderwood célébrant les notes boisées et la richesse de la parfumerie synthétique, la marque présente un parfum feuillage.
CDG n’est pas une marque conventionnelle, c’est avant tout une espèce de laboratoire de tendances où l’on essaye de faire rentrer des cubes là où on s’attend à trouver des trous ronds.
C’est conceptuel.
Chacun est libre d’y adhérer ou de passer son chemin, de crier au génie ou à l’ennui.
Pour cette nouvelle senteur, on imagine une explosion de chlorophylle, un coup de fouet galbanumisé genre Vent Vert sur un tronc diaphane de batavia ou encore un encens-lentisque de Untitled de Martin Margiela.

Nada.
Pourtant, contrairement à son nom, Amazingreen n’est pas aussi vert que prévu. 
Je m’explique.
La note verte espérée n’est pas acidulée, grinçante ou végétale-légume. 
C’est une gouttelette émeraude qui vient juste troubler la surface de l’eau. Pas l’ombre d’une chambre froide de fleuriste, pas d’ananas de Black XS l’Excès pour Homme ou un trip en pirogue dans les marécages d’Amazonie.

Amazingreen est une eau claire, épicée où une peau de pomme granny rencontre un pamplemousse blanc et juteux.
Cette verdeur prend une nouvelle tournure au vue d’un cœur conifère-cédré (incontournable Iso-E super) puis santalé et fumé. Une touche de jasmin blanc prolonge l’effet.
La transparence du thé fumé, un Darjeeling grand cru roulé dans le cuiré d’une feuille de tabac, peut-être.
Cette nouvelle note "evergreen" est bien plus sourde, comme si elle naviguait en souterrain tout au long de la formule en apparaissant çà et là en fonction de l’évolution du parfum en enrobant certaines de ses consœurs.
Une nouvelle molécule qui reproduirait l’empreinte olfactive épurée du galbanum?
On peut lui trouver une filiation à la transparence des jardins d’Hermès par Ellena, l’imaginer dans le départ de Déclaration, dans un souffle épicé clean de Marc Jacobs Bang ou dans le boisé aéré et paisible du Fleur de Liane de l’Artisan.

mercredi 22 août 2012

La vie est belle - Lancôme

Photo Lancôme
Bye bye morosity.
C’est toute l’histoire de nos vies. Crise ou pas crise, il est essentiel de toujours viser le bout du tunnel.
Et au bout du tunnel ?
La resplendissante Julia nous attend avec dans chaque main 1 pilule : l’une rose bonbon pour nous promettre que « La vie est Belle ». Waouh !
L’autre pilule est noire siglée de jaune nucléaire. Elle interroge : en quoi la vie est belle ?
Au choix.
Le nouveau Lancôme est déjà, ou fraîchement sorti, en parfumerie qu’il déchaîne toutes les passions, les questions et des indignations.
Une sorte de buzz involontaire autour de cette nouveauté.
On en oublierait presque le sourire de Julia Monalisa Roberts.
Sourire qui rappelle au passage celui du chat du Cheshire dans "Alice au Pays dans Merveilles" tant il réussit l’exploit improbable de rallier ses deux oreilles avec le plus de glamour possible.
Tout a été dit sur ce parfum, mais c’est surtout le pire qui alimente les commentaires.
Oui, La Vie est Belle est un parfum fruité et gourmand.
Oui, il est puissant et diffusif.
Oui, il en évoque tant d’autres.
Curieux et in love de l’iris, il m’a fallu un peu de temps avant de percevoir un des éléments clés du parfum et dont le marketing vante les beautés : la concrète d’iris pallida.
C’est en le comparant avec ses ainés (Flowerbomb dont il tire 50% de sa paternelle praline patchoulisée et Lady Million pour ses facettes ozoniques et intensément boisées - Armani Code aussi ?) que la révélation s’est produite : un iris pointe son nez.
Il est là en départ, l’iris végétal, légèrement épicé-carotte bien planqué derrière la barbe cristallisée de la note praline (ethyl maltol). Il s’estompe lentement et laisse entrer ensuite un bouquet boisé complexe (patchouly et autres bois secs) qui soutient la charpente pâtissière. Ils mettent en lumière une très belle molécule de synthèse : le cashmeran à l’effet boisé épicé doux qui évoque une très noble qualité de vétiver vraiment classe contrastant devant tant de calories.
Alors, pourquoi seulement 2 pilules quand on peut avoir un paquet entier de Dragibus?

mardi 14 août 2012

Coco Noir Chanel - Révélations

Photo Chanel

J - 3

Chaque lancement d’un féminin chez Chanel tient du sacré, tous les "Chanelovers" le savent.
La famille Allure a inversé le processus de la peau de chagrin.
Coco a dorénavant sa trilogie.

Coco Noir est un enfant légitime du Coco (1984) dont il assume la filiation.
Le premier Coco est un oriental baumé et épicé (piment, coriandre, cannelle, cyprès... comme un Opium tubérosé).
Sa petite sœur, Mademoiselle (2001), est un néo-chypre frais et fruité.
Le tout nouveau bébé est un floriental boisé. La boucle est bouclée.
Coco Noir swingue entre les tonalités sèches d’un accord chypre et les facettes d’un oriental extra dry. Il survole les écueils des coulis collants et pose ses accords boisés doux à la limite d’un patchouly brut de cacao van-houtenisé et d’une praline diet.
Le départ est néanmoins plus frais, plus citrus lumineux et j’y perçois une note de cèleri et de calone (cette molécule qui rafraîchit et éclabousse tout son entourage tout au long de l’évaporation).
Le cœur s’exprime autour d’un accord œillet épicé suave + ylang et jasmin.
Mais le final est une exquise expérience qui s’annonce dès le cœur : un patchouly d’une finesse égale au molosse de Coromandel (sans doute une nouvelle extraction au Co2 ou patchouly heart).
Ensuite, la trame boisée dévoile un vétiver (tout aussi fractionné et aéré) avant de fondre dans un final poudré entre santal moelleux et mousse cristallisée.
On y reconnaît les belles matières de la maison et quelques touches aperçues ci et là dans l’ossature d’Allure Sensuelle (pour le boisé androgyne) et Coco Mademoiselle (le fruité abricot-pêche).
Rien à (re)dire.
Un nom suffit. Chanel

mardi 7 août 2012

Rose Etoile de Hollande - Mona di Orio



Collection "Les Nombres d'Or"

Mona avait en tête un parfum à la rose depuis son entrée chez Art et Parfums.
Elle partageait la quête de son maître, Edmond Roudnistka, qui aurait voulu recréer le parfum d’un rosier de son jardin baptisé Rose étoile de Hollande.
Pas de headspace pour capturer son arôme mais bien le travail d’un nez virtuose qui sait lire et retranscrire les accords secrets de Dame Nature.
Ce dernier parfum de la collection "Les Nombres d'Or" n’est pas un parfum à la rose.
Rose étoile de Hollande n’est pas un soliflore à proprement parlé, il ne sent donc pas que la rose.
Le talent de Mona a été d'élaborer un parfum qui sublime les pétales rouges grenat de ce fameux rosier.
(Pour son Oud majestueux, elle a su réinventer le genre et lui donner une richesse et un sillage inouï.)

Mona habille et cisèle chacun de ses accords, comme un joaillier utilisant des matériaux premium dans des propositions parfaites. Elle avance à pas de velours entre chaque note pour en faire une bulle où rien de chahute et où tout se combine en harmonie.
Chaque gemme a son  rayonnement et sa place dans la parure.
La bergamote se verdit d’une note croquante et acidulée de rhubarbe et d’herbe coupée. Ces dernières sont relayées par une touche aldéhydée de C11 pour ensuite piquer le cœur de rose (essence et absolues). Il y’a dans ce parfum ses matières récurrentes et fétiches qu’elle détourne et rééquilibre (essences de cèdres, d'épices et autres délicatesses synthétiques au nom de jasmonal H; acetate de styrallyle, cis-jasmone ou encore helional...).
D’emblée ils signent la maternité du parfum: le style singulier de Mona.
De la rigueur, énormément de travail et retravail de formules, de la finesse, de l’élégance et avant tout + ce petit "je ne sais quoi" qui rend tellement unique chacune de ses oeuvres.
Les yeux fermés sa signature se distingue.
Pourtant ce parfum explore une facette inédite et chyprée qui n'a jamais été aussi flagrante dans les autres créations de l’Artiste. L’eau de rose, tendrement fruitée, donne transparence et légèreté au parfum avant de se réchauffer peu à peu. Les notes poudrées d’heliotropine joignent en coeur un absolu jasmin + lactone pêche pour glisser lentement la structure vers un accord chypré (patchouly-mousse-résines et labdanum) que l’on n’avait pas vu en parfumerie depuis Dior-Dior et Diorella (tous 2 signés Edmond Roudnitska).
Rose est donc un parfum contrasté, racé et subtilement rétro qui oscille entre fluidité et opulence.
En créant Lux en 2006 Mona célébrait son maître; avec Rose Etoile de Hollande elle rend hommage à son style (il fut LE parfumeur qui créa les plus beaux accords chyprés de ces cinquante dernières années).
Rose Etoile de Hollande est en quelque sorte un épilogue à une histoire d’amour qui lia Mona à sa parfumerie et à Amsterdam.

J’ai toujours été bluffé par la maîtrise de son Art et l’incroyable justesse avec laquelle elle travaillait ses accords. Et il m’a toujours été difficile d’évaluer objectivement ses parfums. Je ne pouvais pas les aimer tous et pourtant j’étais à chaque fois épaté par tant de richesse, par leur aura et leur personnalité.
J’admets sans rougir que j’ai été un privilégié; côtoyer Mona fut un cadeau inestimable.
Elle m’accompagne chaque jour et nous parlons parfums.
Je rends hommage à mon amie, la Grande Mona, et je salue sa magie.