Manon
s’est parfumée avec Mitsouko inlassablement pendant plus de
cinquante ans. Offert en cadeau de mariage par son mari, elle ne l’a plus
jamais quitté.
Sa
bouteille de parfum était un repère, elle n'aurait pas vraiment su dire ce
qu'il sentait, juste divinement bon.
Elle
en avait toujours une quelque part, dans sa salle de bain, son sac à main, sur
sa coiffeuse.
Elle
a essayé plusieurs concentrations (eau de toilette, cologne, extrait) et en a
gardé tous les flacons.
Ceux
d’extrait c’étaient pour les grandes occasions: les anniversaires de
mariage.
- Il sent bon, il me plaît
et je ne saurais pas m’en passer. Mitsouko c’est un peu mon histoire dans un
flacon. Il a toujours été là, il m'a accompagné dans la vie, confiait-elle.
Ses
foulards, ses chemisiers, même sa penderie embaumaient.
Par
dizaines de flacons et des milliers de vaporisations Manon s’est imprégnée de
ce parfum. Il palpitait en elle comme une intraveineuse profumum sous sa peau.
Ses
bras auraient parus étrangers sans ce parfum dans son cou.
Mitsouko c'était elle, l'ombre
dans notre ombre, une empreinte invisible et si familière qui a collé à
jamais des souvenirs à sa présence.
Et
puis un matin d’un jour comme aujourd'hui, Manon a laissé son corps dans cette
chambre et s'en est allée partager l'ombre.
On se
souviendra toujours d’elle, de ses grands yeux noirs, de sa fougue
méditerranéenne et de son parfum si on le recroise avec émotion dans un courant
d'air.
A ma GRAND-mère.
A ma GRAND-mère.