Il y’a des parfums qui vous enivrent, des parfums qui vous rebutent et d’autres qui vous "uppercutent".
CdG 1 est l’un de ceux-là : un électrochoc olfactif. Une audace inouïe doublée d’une brute aiguisée qui vous bouscule et vous irradie de ses éclaboussures épicées tout droit sorties de la pharmacopée chinoise.
Lancé en 1994 dans cette période de transparence, de mixité et d'odeur du grand large, Comme Des Garçons se démarque avec une première fragrance à son nom (un néo-chypre enflammé d'épices) et fidèle à son image décalée et avant-gardiste.
Le départ est, à mon sens, une bouffée verte un peu mouillée comme une vapeur de légume cru (le galbanum turbulent). Je ne parle pas de court bouillon mais l’idée de voir tremper des aromates et des épices dans le même bain m’a effleuré l’esprit (et le nez). C’est une image, bien entendu.
Aussi, l’ouverture évoque le croquant d’un bois végétal sur lequel on aurait planté des épices (coriandre, angélique) et aromates (eucalyptus, laurier). On imagine aussi ces oranges qu’on pique de clous de girofle pour décorer et parfumer la maison. On quitte la Chine pour rejoindre l'Inde. La vibration continue avec la brûlure des épices (feuilles de cannelle, cumin, muscade, piment et poivre) et une bouffée métallique de géranium. Cette nouvelle saveur amère crée le liant entre les épices et les corps boisés de la pyramide. Il n’y a pas de place pour les confiseries dans ce parfum; pas de praline ou de caramel pour rendre le parfum plus "doudouesque" mais juste quelques baumes résineux.
Ce parfum prouve que le trait d'union entre chaud et glacé est dorénavant possible.
CDG 1 est en quelque sorte la retransposition du légendaire Baume du Tigre en parfum, (cette petite pommade miracle que l'on applique sur les tensions ou les tempes et dont les effluves mentholés-camphrés et épicés feraient même pleurer les statues).
Ce parfum prouve que le trait d'union entre chaud et glacé est dorénavant possible.
CDG 1 est en quelque sorte la retransposition du légendaire Baume du Tigre en parfum, (cette petite pommade miracle que l'on applique sur les tensions ou les tempes et dont les effluves mentholés-camphrés et épicés feraient même pleurer les statues).
Ou, dans un autre registre, prenez le timide œillet de l’Air du Temps et placez-le dans la sono d’un groupe heavy métal genre Iron Maiden un soir de transe.
Tentez donc l’expérience.
Je tenterai l'expérience – elle est tentante et vous en parlez bien. Une question : quand vous énoncez les matières (galbanum, angélique, coriandre, laurier, etc.) avec cette assurance, sont-ce des suppositions, des sensations que votre nez vous dit ? Ou sont-ce des matières qui existent réellement dans la fragrance, dont vous connaissez la liste préalablement, et que vous tâchez de "retrouver", de "voir passer" ? J'entends par là qu'il me semble très difficile de nommer, d'isoler olfactivement autant de matières quand on ne connaît pas la formule du jus. A l'aveugle, quoi. Autrement dit, si dans la compo il est spécifié "tubéreuse", ou "fraise des bois", il est plus aisé de retrouver la note, sans quoi on est un peu perdu. L'olfaction est guidée par ce que le cerveau attend. En fait, on sent "ce qu'on compte sentir". Non ? C'est une question que je me pose.
RépondreSupprimerBonjour NLR,
SupprimerJe ne connais pas la formule de ce parfum (ni des autres, d'ailleurs) et je liste là les matières que je sens lors du processus d’évaporation de la tête, du coeur et du fond. Il y en a qui me sautent au nez et certaines que je suppose être présentes ds la formule, surtout les naturelles. Question d'habitude.
C'est ma passion et mon métier.
J'essaie de les désigner (je peux me tromper). C'est aussi le côté technique de mon métier: connaitre les matières premières, savoir les identifier seules et ensuite quand elles sont assemblées ds une formule, autour d'un accord. C'est un peu comme remonter un puzzle.
Ensuite, je sens les parfums sur peau puis sur mouillette à plusieurs moments de la journée et parfois je les compare à d'autres. A ce moment là apparaissent des notes cachées ou des éléments que je n’avais pas perçu auparavant. Question de concentration.
Parfois je m'amuse à me mettre dans la peau du parfumeur pour savoir quel accord il a voulu créer avec tel ou tel matériau.
Le parfumeur en question est Marc Buxton qui a le génie d'oser et de réussir des contrastes inédits. Il a signé les 4 premiers parfums de Comme des Garçons.
Enfin, les infos de la pyramide olfactive sont basées sur ce que la formule contient. Si vous lisez "tubéreuse " ou fraise des bois" on fait appel à des choses identifiables que le cerveau connait ou reconnait. Et il se peut que le parfum en question contiennent ces éléments. Si on vous dit que le parfum contient du phenoxanol ou du trimofix ça vous parle moins, pas vrai?
Je pense que l'olfaction s'apprend, tout comme lire et écrire. Et plus on sent, tout ce qui nous entoure, et mieux on sent.
Merci de cette généreuse réponse, Alex. (On sent, si j'ose dire, que vous êtes passionné par votre métier, c'est agréable ; d'ailleurs est-il possible de faire ce métier sans passion ? j'en doute, franchement.)
RépondreSupprimerLe connaissance des matières premières semble être la clé, c'est un fait. Pour ma part, mon orgue à parfum étant modeste par rapport à celui d'un professionnel (j'ai maintenant environ 250 matières, et je ne compte pas en avoir beaucoup plus sans quoi je ne m'y retrouverai pas ; au contraire, je crois qu'avec le temps on "élimine"...). Il faut sentir, sentir, sentir encore. Que ça laisse des traces dans le mémoire, si possible indélébiles. Construire ainsi sa bibliothèque olfactive. Il n'en reste pas moins, il me semble, qu'il y a des parfums dont il est plus aisé de reconnaître les notes que d'autres. Je pense aux parfums "non linéaires", qui "racontent une histoire" (genre "Séville à l'aube", chez L'artisan Parfumeur) se déployant dans le temps, et où l'on assiste à une sorte de défilé d'accords, de notes solo parfois... Les parfums linéaires en revanche (genre "J'adore") me semblent plus complexes à déchiffrer car plus ronds, plus monolithiques. On a une impression olfactive globale, marquée et "unique" si le parfum est réussi, mais quant à décrypter et scanner la formule... J'en suis pas encore là pour ma part ;-)
Si le coeur vous en dit, j'ai écrit trois articles sur la perception du parfum sur mon blog principal, voici un lien (les articles sont postés à la suite) : http://brossegherta.wordpress.com/2012/06/20/de-la-perception-du-parfum-1/
À l'époque de sa sortie, il m'avait rappelé un parfum de mon adolescence depuis disparu : Nino Cerruti de Nino Cerruti.
RépondreSupprimerJe ne souviens pas vraiment de Nino de Cerruti.
SupprimerIl y'a tellement de beaux parfums qui nous ont marqué dans notre enfance et jeunesse et qui ne sont plus disponibles, c'est bien triste.